Research: LAETICIA

LAETICIA - Laboratoire d’Etudes d’Impact du Cinéma Appliqué - This is the place where we see film as a new field of study between humanities and biology. We study the film object and its impact on the human brain and behavior. The lab is experiencing film patterns in education, health and social studies.

Wednesday, December 29, 2004

Mon cinéma est d'abord un acte de désespoir

Le point de départ de mon cinema est toujours un acte de désespoir face à la pauvre condition humaine. Désespoir par rapport à une réalité qui me déçoit et que j'aimerais changer. Comme je me sens impuissant face au présent, je décide de créer un avenir. Là, je me retourne donc vers le rêve, l'utopie, le virtuel; une théorie où je suis seul maître malgré des contraintes plutôt mineures de technologie et de financement. C'est dans cet ordre d'idées que l'utopie a d'abord été un genre littéraire. Et je crois que la technologie dans ce sens est cruciale car le réfrigérateur et le four à micro-ondes ont beaucoup plus répondu aux revendications des féministes des années 1920 que tout mouvement politique. D'ailleurs j'ai pensé avec l'arrivée de l'interactivité dans les nouvelles technologies de l'information, l'humanité tient pour la première fois les moyens de s'affranchir de la bureaucratie qui écrase encore chaque jour des milliards d'invididus sur la planète. Je pense qu'en poussant jusqu'au bout cette démarche qu'il s'agit repousser les frontières du monde pas en allant dans l'espace, mais en faisant du virtuel une extension du réel permettant aux mêmes règles de s'y appliquer. Il s'agit donc de démocratiser le virtuel, de l'affranchir pour de le rendre à l'humanité afin qu'il opère sur la base des idéaux du monde réel. Même si la fuite vers le virtuel est un geste pessimiste, il est d'un pessimisme actif permettant de considérer le monde comme une prose et comme toute prose, elle vient de sa rhétorique, l'étude d'une grammaire du monde réel-virtuel reposera sur la même disposition que la science de la nature ou les disciplines esotériques. Dans l'esotérisme, les propriétés des mots sont découvertes par un autre discours, qui lui demeure pour les initiés, alors que dans la grammaire, ce sont les mots et les phrases de tous les jours qui énoncent d'eux-mêmes leurs propriétés. Cet univers réel-virtuel sera donc à mi-chemin entre les figures visibles et les convenances secrètes des discours ésotériques. Ce sera une nature qui aura perdu sa transparence première; ce sera un secret qui portera en lui, les marques déchiffrables de ce qu'il voudra dire.

En quoi le cinéma est-il ce virtuel qui doit devenir l'extension du réel? Ce qui fait la force du cinéma, c'est sa capacité à raconter des histoires avec des images et des sons. Des histoires qui ne sont pas des histoires, des histoires parcequ'on les vit comme dans la réalité. Des histoires qui peuvent ne pas avoir de sens comme la réalité n'a pas toujours de sens, mais comme en théorie peuvent être organisés de manière à mener quelque part. En rajoutant l'interactivité au cinéma, on a une dimension supplémentaire très importante à cet outils théorique de la vie qui n'est rien d'autre que de l'utopie. Je me dis donc qu'il y a un chemin qui même à l'utopie et ce chemin passe par le cinéma.
J'ai exploré à différentes reprises en quoi le cinéma pouvait être scientifique - J'exclu bien sûr la technologie du cinéma dans cette réflexion car il est évident que les sciences physiques et informatiques on permis de développer les outils du cinéma. Toutefois, depuis que les images sont numérisées, un film est une série de codes qu'on pourrait un jour saisir directement sur un ordinateur sans plus avoir besoin d'aller filmer, un peu comme les films en 3D. On pourrait donc écrire l'équation mathématique d'un film comme les formalistes Russes qui cherchaient des combinatoires mathématiques des contes; ce que nous pouvons comparer à certains scénarios hollywodiens - Peut-on faire du cinéma une science à part entière? Si l'on considère le cinéma comme une théorie de la représentation du monde avec à son coeur l'homme comme objet d'étude et l'homme qui regarde le cinéma, donc qui se regarde.

Le cinéma est-il une science?

Le cinéma reste très empirique dans ses méthodes et sa pratique. L'accumulation de savoir y représente parfois plus un handicap qu'une force; c'est à dire que plus on sait de chose, moins on est interessant pour l'industrie. Il faut rester en permanence au niveau du public jeune et peu cultivé qui constitue la grande masse des spectateurs. Il s'effectue donc en permanence une regénération systèmatique obéissant à cette logique. Pourtant j'ai une intuition très forte qui me fait penser que le cinema est s'agit d'un champ important pour le développement de l'humanité qui reste à explorer. Le développement du cinéma a été très vite bloqué par se commerce qui s'est développé autour, il n'a pas eu le temps de prendre toute sa dimension. Il est pratiquement mort-né. L'enseignement du cinéma que je pratique aux USA se focalise principalement sur l'analyse et l'écriture . Une méthode d'analyse et une forme d'écriture qui n'obéissent à aucun critères scientifiques telles que pratiquées dans les sciences qu'elles soient des sciences humaines ou des sciences pures. Les universités adoptent les formules d'écritures de scénario créées par des guru de Hollywood et se calquent sur des critères commerciaux de qualité quand ils ne s'en tiennent pas tout simplement à des études sociales, culturelles, politiques, économiques et historiques des films comme textes.

Je reste donc persuadé que le cinéma est un champ intéressant qui se doit de rester scientifique sur certains plans tant il influence l'espèce humaine et pourrait être un outils important pour son évolution.
En faisant du cinéma, on fait une théorie du réel en proposant des modèles que sont les histoires. Je veux faire la différence entre des histoires écrites et le cinéma car le cinéma se déroule sous nos yeux comme la vie. L'expérience est transmise au public de façon réelle et directe, avec une précision photographique, si bien que les émotions du spectateurs s'apparentent à celles du témoin. C'est le seul art où l'auteur peut créer une réalité absolue. Un plan de film, est un fragment de réalité dépourvu d'idéologie. Seul le film pris dans son ensemble ne peut tout simplement se défaire de l'impression que ce qu'il voit sur la toile de l'écran est là, concret factuel. D'où la tendance du public à juger le film selon les critères de la vie réelle, et à se substituer aux principes sur lesquels l'auteur a construit son film. Le cinéma est donc une théorie de la vie. Quand est une forme sérieuse d'art, cette théorie est une critique de la vie; elle peut être réaliste, fantastique ou satirique. Combinaison d'intense d'observation et de spéculation qui proclame que les choses peuvent (ont été, seront) différentes. La vie sur un support extérieur qui permet à l'homme de prendre du recul et de voir loin et près en même temps versehen en allemand, une télé-vision. Le cinéma permets à l'homme de se faire une radiographie de la vie, et comme toute radiographie, elle montre ce qui ne va pas, elle facilite le diagnostique. Si on tombe dans des termes médicaux, c'est bien parce que le cinéma est né lui même de cette nécessité scientifique quasi médicale de voir loin et près. L'humanité ne disposant pas d'hôpitaux pour soigner le psyché d'un groupe, le diagnostique est le plus loin qu'on pourrait aller sans exclure la possibilité un jour de faire des films qui soignent. C'est en cela qu'il est necessaire de sortir le cinéma des écrans et de le ramener à la vie. Le déplacer de l'univers des symboles au monde des choses dans le but de reconstituer le socle positif des connaissances déployées dans la grammaire, la biologie, la politique, la technologie, les richesses etc. Il s'agit de recréer un matériau à partir duquel des idées vont apparaître, des sciences se constituer, des expériences se réfléchir, des rationaltés se former. Car un amalgame réel-virtuel est fabriqué et maintenu par ceux qui en publicité ou en politique vous servent du virtuel (virtuel a le sens de faux) afin que vous agissiez à leur bénéfice dans le réel. Le cinéma est à la fois un support et une sémantique pour nos utopies. C'est à dire cet endroit dans lequel on pourra géographiquement situer une société exemplaire. Parcequ'il est un support de la métaphore, il permets une forme mentale et rhétorique d'un certain colonialisme imaginaire qui servira à la fois à pro-jeter notre imaginaire sur la réalité extérieure de notre société et à extérioriser nos rêves intérieurs sur des lieux jusqu'ici inacessibles. Cette en cela que le cinéma détient des clés pour l'avenir de notre espèce.

Triste est le Happy ending africain

Quel film faire quand le happy-ending vous est interdit. Pas parcequ'on ne maitrise pas les ficelles, mais parcequ'il n'a pas de sens. Car je ne crois plus que tout finit par s'arranger; surtout quand on ne fait rien pour. Depuis que je suis né, j'ai vu la situation de l'Afrique se dégrader sans cesse; alors il m'est difficile de faire le cinema comme il se pratique ailleurs. Ne comptez pas non plus sur moi pour vous faire un cinema qui exploite les malheurs des familles africaines sous pretexte de contribuer a une quelconque amélioration. Car depuis qu'on fait des films sur l'Afrique, la situation ne s'améliore guère. Toutefois, c'est une histoire, une histoire sans
happy-ending, l'histoire de l'Afrique. Mais quand on a baigné dans une culture africaine optimiste comme-moi, comment raconte-t-on cette tristesse? Une histoire qui est finalement l'histoire d'une rencontre, comme ma rencontre avec le cinema qui me refuse le happy-ending. Une rencontre que j'aurais souhaité belle... Le cinema n'est-il pas avant une tout
technologie? Une technologie qui s'impose aux primitifs en quête de sens que nous sommes? N'est-ce pas cette rencontre qui est à l'origine de malentendus comme celui de la bouteille de coca cola qui tombe sur la tête du bushman? La rencontre impossible car l'un
ne vient pas rencontrer l'autre, il vient le tromper avec la technologie dont il n'est pas plus le père que le bushman. Une histoire triste de rendez-vous manqué. Une
histoire qui résume l'histoire de l'Afrique et qui se doit d'être drôle car elle n'a pas de happy ending. Une histoire qui me pose la question de l'homme en relation avec son miroir technologique qu'est le cinéma.
Comment ne pas voir un cinema invisible qui complote non seulement contre l’Afrique mais aussi contre moi, cinéaste africain, ayant lui-même besoin d’une histoire pour rebondir d’un double traumatisme de l’histoire à la fois au niveau de la réalité et de sa représentation. Comment utiliser les ressorts du recit cinématographique pour développer une identité narrative à travers sa propre histoire tout en luttant contre les fantômes invisibles d’une société dominatrice qui cree des images irréelles de ce que je suis et m’oblige à me conformer à elles tout en me donnant le sentiment d’être en conflit avec une norme illusoire.
Comment déconstruire puis reconstruire les modèles de cinema tant sur le plan de la forme que sur le plan du contenu ?